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Hamida Aman, les révoltes silencieuses

par | Déc 4, 2025 | Elle | 0 commentaires

Ce sont deux infos qui m’ont interpelée : la première concerne les Afghanes, ces femmes réduites au silence après plusieurs années de liberté qui leur avaient permis d’enlever leurs voiles, d’aller à l’école ou à l’université et de travailler. Dans la région d’Hérat, les talibans les obligent depuis peu à porter la burqa et leur interdisent même d’aller au marché ou dans les hôpitaux sans cet habit qui les dissimule entièrement. L’autre info concerne Hamida Aman qui vient de se voir décerner le Prix Elle et La Tribune au titre des femmes françaises qui pensent, s’engagent et veulent changer le monde. Reconnue pour son travail et ses actions en faveur des Afghanes, sa position est pourtant très fragile.

Mais avant de vous parler d’elle plus en détail, il me faut poser le problème avec à l’appui quelques chiffres très parlants. Nous sommes en 2021 et un ministère de la Promotion et de la Prévention du vice a été installé. Avec de nombreux interdits à la clé comme l’interdiction aux femmes de travailler, de faire du sport, de pratiquer un art, de toucher de l’argent, de se promener dans un parc, de porter des pantalons, quelques-uns des 150 décrets nouvellement promulgués. Et dans la sphère privée, les divorces prononcés précédemment sont invalidés, la lapidation est autorisée, il est interdit de parler entre femmes, de chanter et même de parler fort chez soi et ce qui nous intéresse ici, de participer à des émissions de radio ou de télévision animées par des hommes.

Je reviens à Hamida, qui s’est révoltée contre ces interdits en luttant à sa manière.

« Être lauréate, c’est la reconnaissance de notre travail et l’utilité de nos actions. Plus de quatre ans de combat, c’est long, c’est dur, le chemin est semé d’embûches, sans beaucoup de signes d’amélioration et parfois le doute et le découragement. Merci de croire en nous, de ne pas oublier les femmes et filles afghanes. »

Car, à côté des femmes, les petites filles sont aussi concernées. L’enseignement secondaire leur est interdit, elles doivent porter des masques faciaux et, en 2024, obligation a été faite aux ONG de supprimer le mot « femmes » du nom de leur organisation. Voici ce qu’a déclaré le rapporteur de l’Afghanistan à l’ONU : « Nous avons rendu son humanité au pays. Le régime taliban a amélioré la vie de tous les Afghans, y compris les femmes et a donné à la population une grande liberté d’expression. Avant, les femmes étaient obligées de travailler. Maintenant, elles sont gardées à la maison et traitées comme des reines » !

Mais toutes ces entraves à la liberté ont créé des situations dramatiques. Par exemple, à l’université, la disparition des femmes a été suivie par celle des hommes qui doivent aller travailler pour nourrir leurs familles. Plus encore, les femmes sont réduites souvent aux fonctions d’esclaves domestiques ou sexuelles et leur santé n’est plus prise en compte puisque, selon l’ONU, 36 000 sage-femmes et 2 800 infirmières n’ont plus accès au travail.

Forte de ce constat alarmant, Hamida Aman a décidé d’agir.  Née à Kaboul, elle a osé créer Radio Begum en 2021 alors que se profilait la menace du retour des talibans au pouvoir. Begum, en hommage au prénom de sa grand-mère qui signifie « « princesse », « femme de haut rang » ou encore « maîtresse », est devenu le média incontournable des femmes dans un pays où elles n’ont plus accès à l’enseignement.

Privée d’antenne le 4 février dernier par les autorités locales, cette radio restait la seule à diffuser des programmes radio pour elles et par elles.

À 52 ans, la Suisso-Afghane est à la tête de Begum Organization for Women (BOW), dont la mission est triple : une ONG qui œuvre pour l’autonomisation des femmes en Afghanistan, un média et un portail de cours en ligne, en donnant la parole à celles que l’on veut faire taire.

En 2024, elle crée Begum TV diffusée par satellite depuis Paris pour contourner la censure. Entre Kaboul et Paris, elle emploie une centaine de personnes, diffuse 8 heures de cours par jour pour les collégiennes privées d’école. Et si Radio Begum a été réduite au silence, la chaîne de télévision continue d’émettre, Hamida Aman est définitivement une résistante !

Écrit par Vicky Sommet

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