Sélectionner une page

Lucy Vincent, c’est si bon d’être amoureux

par | Nov 14, 2025 | Elle | 0 commentaires

Ne souriez pas, c’est sérieux puisque nous avons affaire à une chercheuse du CNRS et neurobiologiste, destinée au départ à devenir comme sa mère et sa sœur sage-femme.  À 18 ans, Lucy plaque tout pour suivre un jeune homme dans le Yorkshire à l’université Sheffield. Trois ans plus tard, alors qu’elle ramasse des grappes de raisin dans un domaine de Saint-Emilion en Gironde, elle est foudroyée (d’amour) : « Le fils du propriétaire a traversé la cour et j’ai su ». Elle emménage avec lui, elle n’a que 21 ans. Elle le quittera sept ans plus tard pour épouser le neurobiologiste Jean-Didier Vincent : « Je marche aux coups de foudre. J’adore ça !».  

L’amour, ce n’est pas toujours le cœur qui parle mais aussi le cerveau. Et comme nous savons tous que l’amour est la plus belle des choses à vivre, j’ai voulu partager avec vous l’enquête de Lucy Vincent sur comment faire pour que l’amour dure toute la vie. Qui mieux qu’elle pouvait parler de cette mécanique biologique qu’est le coup de foudre amoureux ? Ce qui explique ses recherches actuelles sur la programmation génétique des rapports humains. Elle soutient la thèse que l’homme et la femme sont attirés dans un premier temps, inconsciemment, par la nécessité de se reproduire. Pour cela, l’être humain choisit son partenaire notamment parce qu’il arrive à déterminer par son odeur (phéromones) qu’il a un patrimoine génétique assez différent du sien pour assurer à sa progéniture un plus grand éventail d’anticorps donc une meilleure santé. 

« J’adore comprendre la mécanique à l’œuvre derrière nos phénomènes biologiques ».

Voilà que cette chercheuse fait œuvre de salubrité publique en nous expliquant que, si des partenaires ont tant de mal à faire en sorte que le lien amoureux ne se distende pas, ce serait la faute de nos cerveaux. Et là pas question de genre ou de sexe mais une affirmation démontrée en remontant à cinq millions d’année en arrière lorsque l’amour romantique serait apparu chez les êtres humains, au moment où le cerveau de nos ancêtres se serait dissocié de celui des primates.

« J’adore comprendre la mécanique à l’œuvre derrière nos phénomènes biologiques. »

Et d’expliquer que pour comprendre les processus à l’origine du sentiment amoureux, il faut prendre en compte l’hippocampe, les amygdales, le cortex préfontal, etc …, chaque partie spécifique du cerveau pouvant répondre à certains stimuli et il serait donc possible d’agir ainsi sur l’amour. Voilà une bonne nouvelle pour les abonnés aux doutes, les mal aimés, les mal aimants, les déçus du sexe et ceux en attente d’amour.

Et grâce à qui ? Grâce aux campagnols, ces petits rongeurs monogames, qui ont prêté leurs cerveaux, sans le savoir, pour que les études des chercheurs aboutissent à ces conclusions : chaque espèce animale a une stratégie reproductive différente. Chez eux, ce serait les récepteurs d’ocytocine, l’hormone de la confiance, de l’empathie, de la générosité et de la sexualité, qui pousseraient les êtres humains à créer un cercle familial autour d’un même partenaire.

« Si le monde change autour de nous, le cerveau change aussi. Alors, c’est certain, nous aussi sommes en capacité d’agir sur notre cerveau amoureux. »

Vous pouvez donc arrêter de vous interroger pourquoi vous êtes malheureux en amour ou pourquoi vous ne trouvez pas celle ou celui qui vous rendra heureux.

Sachez qu’il existe une gamme de comportements qui varient selon les individus. Chaque cerveau a sa stratégie amoureuse personnelle, le tout lié à son éducation et à la vie tout simplement. Ce qui explique que les incompréhensions amoureuses sont dues, non pas à votre manque de libido ou de votre froideur, mais au fait que nous n’avons pas tous la même machine interne.

Ces paroles auraient de quoi nous réconforter et pourtant, il nous faut prendre en compte d’un point de vue génétique, ceux qui sont sujets à la jalousie ou à l’infidélité. Ce serait la faute du gène 334, le gène de la vasopressine, qui varierait selon le développement sentimental de chacun, comme des parents aimants ou une harmonie conjugale et celle de l’ocytocine aussi, encore elle.

« Si le monde change autour de nous, le cerveau change aussi. Alors, c’est certain, nous aussi sommes en capacité d’agir sur notre cerveau amoureux. »

Bonne ou mauvaise nouvelle ? Pour elle, si le cerveau adulte hier avait fini son développement pour ensuite vieillir puis mourir, on sait aujourd’hui que c’est tout l’inverse et que sa plasticité est au cœur de nouvelles recherches.

Et de citer le cerveau des femmes qui est affecté par le cycle menstruel, le système reproductif, le bonheur du couple ou la présence d’enfants. Chez l’homme, le taux de testostérone baisserait quand la personne est entourée au quotidien par des femmes, ce qui mérite réflexion vous en conviendrez !

« Nos amis les chercheurs ont voulu aller encore plus loin, pour essayer d’intervenir dans le cerveau des campagnols pour modifier expérimentalement leur comportement, transformant le mâle infidèle en père de famille dévoué ». Et de comprendre que la production plus ou moins importante de récepteurs à ocytocine dans le cortex, expliquerait son envie de rester au foyer au lieu d’aller vagabonder. Autre exemple plus concret cette fois, le partenariat sexuel protègerait de la douleur (il suffit qu’on nous tienne la main), l’anxiété disparaitrait (on est plus téméraire en sa présence) et même éloignerait des infections (les plaies guérissent plus vite quand on est entouré). D’où le constat que grâce aux modifications dans le cerveau, on observe une plus longue durée de vie chez les couples que chez les célibataires. Cela mérite aussi réflexion !

Autre chose à savoir, les caractères sexuels de l’espèce humaine indiquent un potentiel pour le plaisir sexuel en dehors de la période de reproduction. La nudité par exemple chez l’humain, fournit une grande surface pour les contacts de peau à peau, en sachant que nous sommes le seul des cent quatre-vingt-treize espèces de primates à ne pas porter de fourrure.

Pour finir, si on parle technique, les souvenirs heureux agissent sur l’hippocampe, la surprise des bons moments sur le noyau accumbens, le confort quotidien sur l’hypothalamus et les projets de vie sur le cortex préfrontal. Pour parler clairement, il faudrait pour entretenir la flamme, cumuler conversations utiles, bons souvenirs à raviver, beaux projets à partager ensemble pour éviter l’ennui qui tue l’amour comme chacun sait. Quand le couple va mal, évoquer la mémoire des débuts permet de retrouver les émotions du commencement et réveille inconsciemment le réseau neuronal de l’attachement. Lucy Vincent a quitté le CNRS « par amour ». Elle travaille maintenant dans un laboratoire pharmaceutique en attendant peut-être le prochain coup de foudre ! Et je la laisse conclure en disant que l’amour se construit, se travaille, se réactive quand elle cite Alfred de Musset « Partons, dans un  baiser, pour un monde inconnu ».

« Le cerveau des amoureux » de Lucy Vincent aux éditions Odile Jacob (avril 2025).

Écrit par Vicky Sommet

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *